Il était un jour une histoire, vieille, très vieille et redondante. Elle commence toujours dans un pré à l’herbe bien verte sur lequel deux armées de onze soldats chacune s’affrontent. L’une des armées se voit en difficulté, toujours, dans un combat qu’elle mène laborieusement et sans talent de guerre, dans un combat qui ne semble avoir d’issue qu’une défaite – on est dans un conte de fée, le nul ne peux exister, le bien s’oppose naturellement au mal et se doit de triompher. Puis vient un jeune bizut, un peu insouciant, fou et téméraire, culotté et plein d’entrain. Il brave les lignes adverses et pour son peuple s’en va gagner la guerre. Là, l’unique rapporteur et dictateur de pensée se répand de sa parole magique dans les villages : oui, il est né le divin enfant.
Cette histoire fut celle de Zinédine Zidane, qui ne fut le Zizou grand joueur réellement qu’après 98 – pardonnez-moi de ne pas tenir compte de son mondial moyen si l’on excepte ses deux têtes aussi irréaliste que le doublé de Thuram. Cette histoire fut celle de Guivarch’, qui titulaire lors du mondial 98 ne mit aucun but… et vendengea en finale face à Taffarel. Cette histoire est également celle de Gomis, qui priva Cissé de l’Euro 2008 grâce à un doublé retentissant face au Paraguay au stade des Alpes de Grenoble. Cette histoire fut aussi celle de Mathieu Valbuena, buteur lors d’un match de haut niveau face à l’Equateur, à Boallaert, il y a un an. Mais cette histoire fut celle de Benzema, de Faubert, de Kaboul et de tant d’autres avant qu’on oublie. Cette histoire est aujourd’hui celle de Marvin Martin.
« MM » ! Et voilà qu’on nous met sous les yeux des sondages stupides du style : « va-t-il s’imposer en Bleu ? » On entend des trucs du genre, « il a bousculé la hiérarchie ». On entend des trucs du genre, « sa science de la passe, sa science du placement et du déplacement, sa science de la frappe, il ressemble à Xavi ». Ouais, moi j’ressemble à Thuram.
Mettons-nous d’accord de suite. Martin est un bon joueur de Sochaux. Meilleur passeur de Ligue 1, soit, mais un bon joueur de Sochaux, ce qui n’est pas une tare, ce qui n’est pas irrémédiable, ce qui est un fait. Et je crois comprendre que l’an prochain il deviendra le bon joueur d’un club plus huppé que Sochaux. Ok. Je n’ai rien contre le joueur, qui a fait une très bonne rentrée, pleine d’allant et d’enthousiasme, mais je crois que nous étions en droit d’attendre cela d’un joueur qui effectuait sa première sélection en tant que remplaçant dans un match amical en bois, sa qualité technique faisant la différence.
Parce qu’il faut remettre les choses en contexte, ce que Wenger a essayé d’expliquer aux jeunes excités de TF1, trop heureux d’avoir une nouvelle accroche pour vendre le troisième match bidon en moins de dix jours de l’Equipe de France. Il est rentré QUINZE minutes dans le contexte suivant : un match amical sans enjeu, un stade vide, après 6 changements, et une équipe ukrainienne complètement à la rue. Il en a tiré profit, et c’est tout à son honneur. Mais tout le tintouin de l’Equipe et de TF1 –mon Dieu, que je suis content de ne plus regarder Téléfoot – est juste navrant. Voilà, c’est notre système, on fait des stars en 15 minutes. Imaginez, Rocco Siffredi star du X parce qu’il a tout donné une fois en quinze minutes. L’exemple est pourri, mais je sais que vous m’avez compris. Et de commencer les parallèles douteux du style : « on a vu la différence avec Martin, contre la Biélorussie… » tut ! Silence imprudents ! Comment peut-on comparer un match officiel, qui compte pour les qualifications, et ce simulacre de match de foot devant lequel j’ai allègrement dormi ? Et l’on pourrait pousser la chose en parlant de la situation tactique dans laquelle il rentre. Mais l’Equipe et TF1 en ont décidé autrement, « MM » doit être notre nouvelle idole. Comme a failli l’être Valbuena il y a un an. Oui, souvenez-vous, c’était il n’y a pas si longtemps.
Alors pour demain, puisqu’il sera titulaire, je souhaite à Martin de faire un grand match. Plus encore, je souhaite à l’Equipe et à TF1 qu’il fasse un grand match. Histoire qu’il puisse partir en vacances sur une bonne note, et qu’on ne soit pas obligé de le faire descendre si tôt d’une étoile, qui il est sûr, est aujourd’hui bien trop haute pour lui.
Junichi.
